lundi 21 janvier 2008

Look, déguisement et performance

La mode semble parfois incompréhensible : sur certains défilés de haute couture, les tenues sont tellement invraisemblables que les usagers de la mode sont souvent perdus et ne savent que penser.

En témoigne cette question posée par cet usager : par la présente je me permets de vous faire part de quelques interrogations, rendues plus vives depuis la dernière Mort aux jeunes, et relatives à la limite entre "look", "déguisement" et, dans une certaine limite, la "performance". Déjà, mon expérience personnelle m'a prouvé qu'en proposant, dans le cadre de soirées privées, un thème ou une vague idée directrice afin que les gens viennent lookés, la plupart de mes amis comprennent de travers (selon moi) et optent pour le déguisement.
Cas pratique : une demoiselle discute avec des amis dans un club dans une robe fashion incroyable : c'est du look. La même jeune fille porte une tenue incroyable dans un thème nettement identifiable, disons XVIIIe ; où est la limite avec le déguisement ? Cas plus aigu encore dans celui du costume type "peluche géante". Là, si la même jeune fille discute avec des amis au bar d'un club en tenue d'ornithorynque rose vif, n'est-t-on pas au delà du look, mais dans le déguisement, ici même transcendé en performance ?


Cette question est très délicate : en effet, il est à première vue assez difficile d'établir une règle en la matière tant sont imbriqués les concepts qui tournent autour du look, du déguisement, de la performance qu'on pourrait rapprocher respectivement des concepts de la mode, la fête et l'art. Or, il serait absurde de laisser penser que la mode, la fête et l'art ont des périmètres circonscrits permettant d'évaluer avec précision dans laquelle de ces sphères on évolue. Les défilés sont des fêtes qui mettent en avant les artistes qui créent des looks dans des mises en scène comparables à des performances artistiques. Les soirées en club sont des fêtes où, tout prétexte étant bon à transformer la soirée en performance géante (plus amusante), les looks rivalisent d'originalité, jouant parfois clairement sur les codes traditionnels du déguisement (comme la peluche géante).

Avant toute chose, rappelons que nous nous intéressons ici à ce qu’on pourrait appeler les tenues sensibles (à mettre en parallèle avec les individus sensibles dont la Peltag se préoccupe), c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de se demander si une vulgaire robe noire avec des chaussures à talons sans intérêt est à la limite du look ou de la simple absence de goût mais de s’intéresser à ce qui, dans la catégorie des looks (c’est-à-dire pour faire simple des tenues composées, originales et exceptionnelles) peut s’apparenter au déguisement, voire à la performance.

Selon la Peltag, deux critères peuvent être pris en considération pour en juger : l'extravagance de la tenue et la banalité des circonstances de port de la tenue. C’est en fait l’écart entre les niveaux inversés de ces deux critères qui donne la meilleure grille de compréhension.

Explication : plus une tenue est extravagante ET moins les circonstances de port de la tenue sont extraordinaires, plus on se rapproche de la performance (et toute la gradation qui s’en suit). Par exemple, porter un costume de peluche géante en pleine rue à 15h se rapproche plus de la performance que de porter cette même tenue en club (et ce d’autant plus si la soirée compte de nombreux looks moyennement ou assez extravagants, le niveau général d’extravagance devenant alors assez élevé et l’extravagance relative de la tenue ayant donc tendance à diminuer).

Mais alors comment mesurer l’extravagance des tenues et qu’est-ce qui fait qu’une circonstance est extraordinaire ?

Pour l’extravagance, de nouveau, deux critères (suffisants mais non exhaustifs) permettent d’en juger. L’humour et le décalage manifeste d’une tenue donnent une bonne indication pour lui attribuer un niveau d’extravagance. Plus un look est drôle (une peluche géante, c’est drôle) et décalé (Marie-Antoinette trash sort clubber), plus il est extravagant.

Photos d'Yves Malenfer prises lors de la Mort Aux Jeunes du samedi 12 janvier

Pour les circonstances, la fréquence de répétition de l’évènement est un bon indicateur : plus un évènement est rare, plus les circonstances sont extraordinaires (ce qui est assez évident, je vous l’accorde). Par exemple, la présence de drag queens étant un évènement de moins en moins rare, leur présence est relativement moins extraordinaire (en club) maintenant et n’est pas considéré comme une performance.

Ainsi, la difficulté de la distinction entre look, déguisement et performance ne vient pas tant de la tenue en soi que du regard porté sur cette tenue, regard lui-même variable en fonction des circonstances du port de la tenue.

Cas particulier : pour finir, il est rappelé aux usagers de la mode que les soirées dites déguisées ou autres soirées à thème font l’objet d’une législation très stricte : les usagers souhaitant organiser de telles soirées sont invités à faire préalablement valider par un agent de la Peltag le thème de la soirée. Les thèmes trop évidents seront d’emblée rejetés (par exemple stars de cinéma ou bleu blanc rouge ou le métro parisien), merci de ne présenter que des demandes un peu plus subtiles.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout à fait d'accord sur l'aspect déterminant, finalement, du regard et du contexte global, plutôt que sur la nature même de la tenue.
Il n'y a pas si longtemps, une jeune innocente saoule m'a aimablement prévenu, dans une soirée à laquelle j'étais charitablement allé (sans impression d'être particulièrement looké), que "hihi mais tu es au courant que ça fait 40 ans qu'on porte plus de bretelles en France ?".
Ainsi, j'étais apparemment pour elle un summum d'extravagance, ou une sorte de réminiscence rétro ambulante alors que dans d'autres milieux (informés ?) les bretelles ne sont qu'un accessoire standard.

Crame a dit…

Clément, je comprends pourquoi tu ne portes plus de bretelles depuis 2007. Décidément, tu es bien susceptible.

Anonyme a dit…

Dis "Rombières et vieilles tantouzes" je peut la faire pour le 18 novembre 2008 ?