mercredi 28 novembre 2007

Look et courbes de tendances

La notion de tendance est abondamment utilisée dans le secteur de la mode et a fortiori par la Peltag dont l'acronyme, faut-il le rappeler, signifie police européenne du look, de la tendance et de l'avant-garde.

La définition de tendance est double: c'est à la fois une disposition naturelle (tendance à la gourmandise) et une évolution ou une orientation (tendance des marchés à la hausse).

Or la vraie question est de savoir comment on reconnaît une tendance. A partir de quel moment passe-t-on d'un comportement marginal adopté par quelques trendsetters à une tendance s'imposant à tous les usagers de la mode? Une tendance, à partir du moment où elle est unanimement reconnue par tous les acteurs de la mode, peut-elle encore être d'avant-garde?

Un usager de la mode posait récemment la question en ces termes: «le Figaro» (cahier «aujourd'hui» du 14 novembre) explique que, décidément, les badges sont tendance. Badges en tissu, badges à motif fleur, etc. Est-ce qu'un truc peut rester tendance quand il est dans «le Figaro»?

Afin de clarifier cette notion de tendance et de s'accorder sur un vocabulaire qui permettra à tous les usagers de la mode de s'y retrouver, la Peltag propose le découpage chronologique des tendances suivant:

la micro tendance: c'est le premier stade de la tendance qui se caractérise par l'adoption en divers points éloignés les uns des autres et sans rapport évident d'un même comportement de look. Adopter la micro tendance est le comportement le plus risqué mais aussi potentiellement le plus valorisant dans la mesure où à ce stade la tendance est encore clairement d'avant-garde.

La tendance magazine: lorsqu'une tendance s'affiche en pleine page des magazines, qu'ils soient pointus et spécialisés ou grands publics, elle s'impose déjà à tous les usagers de la mode comme validée par les instances décideuses du look (les rédactrices de mode qui s' appuient sur les créateurs, confidentiels comme industriels) et peut donc être adoptée sans danger. On parlera alors de tendance magazine.

La tendance lourde: il ne suffit pas que les pantalons larges soient dans tous les magazines pour en faire une tendance lourde de la saison. La conjonction de trois éléments permet de déterminer qu'une tendance devient lourde: c'est déjà une tendance magazine; elle se retrouve dans toutes les boutiques de prêt-à-porter, et pas uniquement les stores multimarques branchés mais aussi les chaînes telles H&M; elle est adoptée en masse dans la rue par les usagers de la mode qui la plébiscitent. Ainsi, le slim (devenu le nouveau noir, comme précisé dans la Question de look du 17 septembre 2007) d'abord reclu sur quelques podiums londoniens est-il rapidement passé à la couverture des magazines avant d'être adopté en masse par les usagers de la mode qui n'ont aujourd'hui plus aucune difficulté à en trouver dans le moindre magasin, même cheap.

La tendance sourde: cette quatrième catégorie est utile en ce qu'elle permet de définir une tendance qui ne fait pas vraiment partie des catégories précédentes: c'est typiquement le cas des tentatives de retour de certaines tendances qui essaient de s'imposer dans les magazines mais y parviennent difficilement, se retrouvent dans les magasins mais ne se vendent pas beaucoup. Par exemple, la Doc Martens déjà évoquée ici par la Peltag ne revient pas en masse mais tente depuis plusieurs années de revenir. Ainsi, elle est présente 'en sourdine' d'où le nom de tendance sourde.

Quand une tendance se développe, elle peut donc passer successivement par ses trois types de tendance (la quatrième étant souvent synonyme d'un développement anarchique de la tendance). Mais il est possible qu'elle saute une étape (comme la micro tendance, certaines étant imposées par les magazines sans net signe avant-coureur) ou que certaines restent coincées à une étape (parce qu'une micro tendance n'arrive pas à s'imposer et reste dans la confidentialité).

Pour illustrer cette chronologie, utilisons l'exemple de la K7: clairement micro tendance en 2006, alors que Catherine Ferroyer-Blanchard prépare son retour, et que certains militent en sa faveur (comme Comité Central ou le label Monster K7), elle a fait l'objet de l'attention de la presse (par exemple dans le Trax de novembre 2007) alors que sa présence sous forme de pendentifs et boucles d'oreilles la rend déjà plus visble, et a fini par s'imposer à l'industrie qui a redécouvert le motif K7 vendu désormais sur moultes sacs et tee-shirts chez H&M.

Ceci explique, je l'espère, le cycle d'une tendance: évidemment c'est tant qu'une tendance est micro ou à la rigeur magazine qu'il est le plus intéressant de l'adopter. Cependant, il ne faut pas dénigrer les tendances une fois lourdes dans la mesure où elles traduisent aussi le succès d'un accessoire ou d'une pièce manifestement plebiscité par les usagers de la mode. Et même si par snobisme, l'on a souvent tendance à vouloir la mépriser, elle constitue néanmoins pour la plupart d'entre nous au minimum 60% des éléments solides (pour ne pas dire basiques) d'une garde- robe (ce qui justifie de ne pas jeter tous ses badges à la poubelle même si le Figaro les trouve tendance).

Enfin, il faut replacer dans une perspective de plus long terme ces tendances. Si l'on raisonne ici rarement sur des durées excédant trois ans, il ne faut pas oublier que le propre de la mode est le retour incessant des tendances. C'est pourquoi il est bon et complexe à la fois de savoir faire le tri entre les pièces issues de micro tendances avortées mais susceptibles de revenir et celles issues de tendances lourdes mais qu'il est préférable d'enterrer à jamais.

La Peltag espère que ces quelques précisions vous aideront à y voir plus claire.

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